Article Mayo Clinique de l’Institut Libéral

Les hôpitaux et l’avenir:

comment allier qualité de soins aux patients, durabilité entrepreneuriale et viabilité financière des prestataires de soins et, finalement, des systèmes de santé ? Institut Libéral décrit une organisation privée à but non lucratif dont les hôpitaux sont régulièrement classés parmi les meilleures institutions américaines relève ce défi avec brio. Son nom ? La Mayo Clinic …

Mayo Clinic : un modèle d’hôpital privé sans but lucratif

Laurent Seravalli et Stefano Benagli

Dans son rapport d’analyse du système de santé suisse, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) reconnaît que l’espérance de vie en Suisse – qui est parmi les plus élevées au monde – et le haut degré de satisfaction des patients confirment la bonne performance de son système de santé. Mais dans ce même rapport, l’OCDE tire la sonnette d’alarme : la bonne performance du système de santé suisse est obtenue à un coût considérable : la Suisse a dépensé 12.4% de son PIB pour la santé en 2016, un niveau bien supérieur à la moyenne OCDE de 8.9%. Et d’avertir que si ce système a bien servi la Suisse dans le passé, il ne permettra pas de soutenir le nombre croissant de patients souffrant de maladies chroniques 1.

Le défi qui se pose au système de santé suisse est commun à beaucoup d’autres systèmes occidentaux2. Pour relever ce défi, nombres d’États font le choix de jouer un rôle croissant dans le financement et l’organisation de leurs systèmes de santé, falsifiant ainsi souvent les choix naturellement bénéfiques aux patients des prestataires de soins selon leurs situations spécifiques, leurs potentiels et leurs limites. En Suisse par exemple, le rôle multiple des cantons illustre bien cette problématique. Ces derniers agissent comme propriétaires directs ou indirects d’établissements de soins, comme investisseurs ou gestionnaires de nombreux hôpitaux, comme financeurs (avec les assureurs) des prestations hospitalières, comme réglementateurs, comme instances de surveillance et comme responsable de la planification hospitalière avec parfois des conséquences désastreuses en termes humains, de qualité de soins et d’efficience économique.

Dans un tel contexte, comment allier qualité de soins aux patients, durabilité entrepreneuriale et viabilité financière des prestataires de soins et, finalement, des systèmes de santé ?

Une organisation privée à but non lucratif dont les hôpitaux sont régulièrement classés parmi les meilleures institutions américaines relève ce défi avec brio. Son nom ? La Mayo Clinic3.

La Mayo Clinic

Historique

Lorsqu’ils ouvrent leur consultation il y a plus de 140 ans dans une ville isolée du Minnesota nommée Rochester, le docteur William Mayo et ses deux fils médecins William et Charles donnent naissance au premier cabinet de groupe intégré à but non lucratif au monde. Au cours des années qui suivent, celui-ci se développe avec succès pour devenir un leader mondial dans le domaine des soins, de la recherche et de la formation médicale4. Chaque année, plus d’un million de patients de tous les Etats-Unis et de plus de 140 pays sont traités par la Mayo Clinic qui emploie aujourd’hui plus de 60 000 personnes, possède une école de médecine et peut offrir tout type de soins5. Au-delà du concept originel créé à Rochester, la Mayo Clinic réussi à reproduire son modèle en donnant naissance à deux autres campus hospitaliers, l’un à Phénix (Arizona) en 1986 et l’autre à Jacksonville (Floride) en 1987.

Le modèle d’entreprise Mayo Clinic

Le plat à l’origine du succès de la Mayo Clinic est composé des 5 ingrédients suivants :

  • La priorité au patient

  • Le partenariat et la coopération

  • La recherche de la performance et de l’excellence

  • Le recrutement de talents pour le présent et le futur

  • La promotion et la protection de la marque

La priorité au patient

L’ingrédient principal du succès durable de la Mayo Clinic est une valeur simple et fondamentale : la priorité au patient. L’organisation des services et des procédures, le design des locaux et la coopération médicale sont autant de manifestations tangibles de cette valeur clef. Tout le modèle de gestion d’entreprise, de la planification stratégique aux tactiques opérationnelles sont alignées sur ce cap. Cette valeur fondamentale définit simultanément la raison d’être de la Mayo Clinic, ou, autrement dit, sa mission, dont la déclinaison complète est « susciter l’espoir et contribuer à la santé et au bien-être en fournissant les meilleurs soins à chaque patient par le biais d’une pratique clinique, d’une formation et d’une recherche intégrées ».

Le partenariat et la coopération

En résonance à « la priorité au patient », « la médecine se doit d’être pratiquée comme une science coopérative » est la seconde valeur fondamentale de la Mayo Clinic. La première valeur définit le « quoi » et la deuxième le « comment », l’ensemble représentant simultanément les valeurs fondamentales et le fondement stratégique de l’organisation.

Un leadership en partenariat

La Mayo Clinic est une organisation dirigée par des médecins. Chaque poste médical de direction va de pair avec un poste d’administrateur des opérations. Ce partenariat unique est à l’origine de décisions managériales de haute qualité qui sont le fruit de la défense de « la priorité au patient » par le directeur médecin et de la garantie des intérêts financiers de l’institution par l’administrateur. En cas de désaccord, c’est le médecin qui porte la responsabilité finale de la décision6.

Cette règle organisationnelle est déclinée à tous les niveaux hiérarchiques, même aux plus élevés. Avec l’aide de ses collaborateurs, le médecin directeur général définit et coordonne la vision, la mission et la stratégie de la Mayo Clinic, tout en veillant au bon alignement de cette dernière.

Collaboration et coopération

L’organigramme de la Mayo Clinic se caractérise par une absence de cloisonnement qui encourage les synergies entre les employés afin d’apporter conjointement une valeur-ajoutée à la prise en charge des patients.

Le « Board of Trustees » est le garant des valeurs, de la mission et de la vision de l’institution. Le « Board of Governors » est responsable de la bonne gouvernance de l’institution et assiste le directeur général médecin dans ses activités de définition et de coordination de la vision, de la mission et de la stratégie de la Mayo Clinic. Les équipes exécutives en charge des opérations sont basées sur le tandem médecin – administrateur décrit précédemment.

La Mayo Clinic possède une très forte culture de consensus se traduisant par l’existence de plus de 80 comités qui constituent la base de la gouvernance participative de la Mayo Clinic. En pratique, il existe un comité pour chaque question managériale importante. Au sein de chacun, un consensus est obtenu avant qu’une décision ne soit prise. Ceci permet la pleine implication des professionnels (et spécialement de ceux qui ont une formation académique équivalente – voire supérieure – à celle des administrateurs, mais qui n’occupent pas de poste en lien direct avec la gestion administrative des affaires) tout en renforçant la culture collaborative de la Mayo Clinic. Les valeurs vécues (et pas seulement affichées), l’organisation matricielle et la gouvernance participative basée sur la recherche de consensus à travers toute l’institution constituent l’un des plus grand succès de la culture Mayo Clinic.

La recherche de la performance et de l’excellence

La pratique d’une médecine de destination en résolvant le problème du patient de manière totale

La Mayo Clinic définit la pratique de la médecine de destination comme étant l’offre au patient de soins intégrés, coordonnés et soutenus par une technologie performante permettant de prendre en charge ses problèmes de santé de manière performante et condensée dans le temps. Cette approche implique des investissements important dans les infrastructures techniques, architecturales et informatiques destinés à soutenir l’excellence clinique et la prestation efficiente et efficace de soins de haute qualité. Le fait que la Mayo Clinic ait été pionnière dans la transposition d’approches de type « Lean » (diminution du gaspillage) et « Six Sigma » (diminution de la variabilité) de l’industrie au domaine de la santé illustre bien ce point.78

L’orchestration des indices de qualité

Posséder des compétences techniques irréprochables n’est pas suffisant pour établir une réputation d’excellence et amener les patients à préférer un prestataire de soin ou un système de santé à un autre9. La Mayo Clinic garde à l’esprit que les patients ont de multiples interactions (avec les soignants, les infrastructures, les équipements de soins, les sites internet des prestataires de soins, etc.) et que chacune génère sensations et sentiments. A partir de ce constat, la Mayo Clinic considère que tout ce qu’un patient peut voir, sentir, goûter ou même entendre peut constituer un indice de qualité. Ces indices ont un impact direct sur le patient lorsqu’il doit choisir un prestataire de soins ou évaluer un service reçu. Pour la Mayo Clinic, orchestrer les indices de qualité signifie se souvenir que si chaque expérience génère des sensations et des sentiments, cela ne veut pas dire que l’expérience sera positive… et se rappeler que l’institution ne doit pas seulement se baser sur son excellence médicale technique pour répondre aux besoins du patient, mais aussi considérer les aspects humains d’une prise en charge afin que cette dernière soit perçue aussi positivement que possible.

Le recrutement de talents pour le présent et le futur

L’engagement de talents

Pour aboutir à un modèle de soins parfaitement aligné et intégré, la Mayo Clinic identifie de manière soigneuse les valeurs humaines de ses futurs employés afin que ces dernières soient en phase avec celles de l’organisation. La capacité à travailler en équipe est un élément clef pour la Mayo Clinic et l’institution considère que ses employés doivent être engagés pour une carrière plutôt que pour un travail, ce qui crée un cycle de succès par le biais d’un développement continu des aptitudes personnelles et professionnelles. La culture des salaires fixes est un élément supplémentaire contribuant à l’alignement du modèle Mayo Clinic. La rétribution de tous les employés, médecins et administrateurs inclus, prend la forme d’un salaire généreux et compétitif, mais fixe, sans bonus ni rétribution liée à la performance.

Cette approche est alignée avec les valeurs fondamentales de la Mayo Clinic et contribue à l’engagement des « bonnes » personnes. La Mayo Clinic considère que tout artifice incitatif financier ne sera jamais aussi puissant que la motivation intrinsèque d’une personne pour l’atteindre l’excellence. La stratégie salariale de la Mayo Clinic renforce donc la culture de l’entreprise en soutenant ses employés, y compris les médecins, dans leur recherche à répondre aux besoins du patient avant tout, plutôt qu’à développer des stratégies visant à obtenir une position hiérarchique plus avantageuse ou une meilleure situation financière.

L’investissement dans la médecine de demain

La Mayo Clinic ne se satisfait pas d’être l’un des meilleurs hôpitaux et système de soin de la planète. Elle veut aussi faire partie des meilleurs hôpitaux de demain. Ce voyage commence avec des questions telles que « Quel sera l’impact de la génération Facebook sur mon organisation ? » ou « Est-ce que la médecine de demain consistera principalement à maintenir en bonne santé ou à traiter les pathologies ? ». Ces questions, les réponses qui y sont apportées et les décisions stratégiques qui en découlent sont traitées en gardant en ligne de mire les valeurs fondamentales de l’institution.

La promotion et la protection de la marque

Comme expliqué précédemment, la Mayo Clinic est bien consciente que ce ne sont ni les prouesses techniques ni la science en soit qui constituent la base de la marque « Mayo Clinic », mais bien le vécu des patients10. C’est parce qu’ils reçoivent des soins dont ils parlent spontanément de manière positive que les patients et leurs proches deviennent les meilleurs défenseurs et promoteurs de la Mayo Clinic. Le vécu au quotidien de la réponse aux besoins du patient, la promotion du partenariat et de la coopération, le recrutement de talents, la pratique d’une médecine de destination et l’organisation des indices de qualité sont tous des éléments qui contribuent à établir la vraie valeur de la marque Mayo Clinic.

La Mayo Clinic, trop beau pour être vrai ?

Une lecture superficielle de ce qui précède pourrait donner l’impression que le modèle Mayo Clinic relève de l’utopie ou qu’il ne peut pas être reproduit en-dehors de la culture américaine. La suite de l’article a pour but de démontrer quelle évidence scientifique supporte ce modèle, d’aborder l’aspect de son financement et de décrire qu’elle source d’inspiration il pourrait représenter.

L’évidence scientifique

La priorité au patient

A notre connaissance, il n’existe pas d’évidence que « la priorité au patient » soit une meilleure valeur fondamentale que celle choisie par d’autres fournisseurs de soins. Par contre, plusieurs publications démontrent qu’une culture centrée sur le patient contribue positivement à la qualité des soins prodigués11.

Le partenariat et la coopération

Certains éléments de l’ingrédient « le partenariat et la coopération » ont été validés dans plusieurs études. Certains travaux ont démontré qu’il existait une forte corrélation positive entre le niveau de qualité et de productivité d’un hôpital et la présence d’un directeur général médecin à sa tête12.

D’autres études concluent à une diminution des taux de mortalité, à une meilleure sécurité des patients, à une diminution des coûts et possiblement à une marge bénéficiaire augmentée lorsque le directeur général est un médecin13. La présence de médecins dans un conseil d’administration hospitalier semble, elle, associée à une meilleure qualité institutionnelle14.

Finalement, l’évidence scientifique confirme l’impact positif sur la qualité des services de santé de certains facteurs clef du modèle Mayo Clinic tels que le travail multidisciplinaire allié à la gouvernance médicale d’un prestataire de soin15.

La recherche de la performance et de l’excellence

Plusieurs travaux américains démontrent que lors de la prise en charge de patients présentant une pathologie chronique, le système de soins intégré et aligné de la Mayo Clinic fournit des prestations de haute qualité à un coût 50% inférieur à celui d’hôpitaux classiques16.

Les études de la Mayo Clinic démontrent qu’il existe une corrélation élevée entre efficience et satisfaction globale des patients. L’application de concepts tels que le « Lean » (diminution du gaspillage) et « Six Sigma » (diminution de la variabilité) au domaine de la santé diminue la mortalité, le taux de réadmissions hospitalières, les erreurs médicales et les infections nosocomiales tout en permettant l’octroi de soins plus rapides et d’importantes économies.

Le recrutement de talents pour le présent et le futur

Aux yeux des administrateurs, l’investissement dans le personnel semble souvent coûteux. Dans le domaine de la santé, certaines études démontrent que la mise sur pied d’un programme de formation de jeunes professionnels peut générer des économies importantes17. Alors que dans le domaine de la santé (comme ailleurs) les ressources humaines sont de plus en plus reconnues comme source potentielle d’avantage compétitif, plusieurs études démontrent qu’une politique entrepreneuriale alignant véritablement les valeurs d’une organisation avec celles de son personnel génère non seulement un avantage compétitif en termes de performance, mais également en termes de motivation et de satisfaction des employés18. Dans le contexte de la pénurie mondiale du personnel soignant19 et d’un moral des soignants décrit comme souvent au plus bas, l’approche de la Mayo Clinic dans le domaine des ressources humaines fait donc totalement sens.

La promotion et la protection de la marque

Les publications dans le domaine du marketing en lien avec la question des marques sont nombreuses, y compris pour les organisations à but non lucratif20. L’article établissant le rationnel sous-jacent à la marque Mayo Clinic et expliquant son lien avec sa stratégie a été publié en 199321. La valeur de la marque Mayo Clinic résulte avant tout d’un modèle aligné et intégré de soins. Mais peut-être que la meilleure illustration de la promotion et protection de la marque est démontrée par l’histoire (vraie) suivante :

En 2015, un groupe d’étudiants de l’executive MBA de la faculté des HEC de l’Université de Lausanne s’est intéressé de près au modèle de la Mayo Clinic. C’est sur simple demande que l’un d’eux fut reçu un jour férié, au détour d’un voyage aux Etats-Unis par un cadre supérieur de la Mayo Clinic pour une visite complète et une expérience « in vivo » de l’institution à Rochester.

Est-ce que dans votre entreprise, hôpital ou système de santé, une telle chose serait possible ?

Un détour par les finances

La Mayo Clinic est une institution à but non lucratif qui réinvestit tous ses bénéfices dans l’octroi de soins de haute qualité aux patients, la recherche de réponses aux situations médicales les plus complexes et la formation de la prochaine génération de médecins et de chercheurs.

L’analyse du rapport de gestion (2015) de la Mayo Clinic indique qu’elle génère un revenu d’environ 10,3 milliards de dollars, dont environ 8,6 milliards correspondent à des entrées provenant des prestations de soins aux patients, pour des dépenses qui se montent à environ 9,8 milliards de dollars. Le bilan de la même année démontre que la Mayo Clinic possède un peu moins de 14,3 milliards de dollars d’actifs pour un total de 6,6 milliards de dettes. Le solde de 7,7 milliards de dollars constitue la fortune nette de l’institution. La Mayo Clinic est capable d’investir annuellement plus de 600 millions de dollars dans différents projets tels que le dossier électronique des patients et plus de 900 millions dans le domaine de la formation et la recherche. L’excellence de la Mayo Clinic attire aussi les fonds publics et privés (pour un total de 25,4 millions de dollars pour l’année 2015) visant à soutenir l’innovation dans le domaine de la santé. En 2015 toujours, la Mayo Clinic a, en lien avec ses valeurs, consacré 548 millions de dollars à l’octroi de soins à des patients indigents, sans assurance et/ou au bénéfice d’une couverture assécurologique insuffisante.

Un modèle applicable ailleurs ?

La Mayo Clinic n’est pas seulement l’un des meilleurs systèmes hospitaliers américains, c’est aussi une organisation qui pourrait inspirer beaucoup de prestataires de soins et de systèmes de santé.

Depuis 2011, la Mayo Clinic possède et dirige un réseau de soins de proximité nommé « Mayo Clinic Health System » qui comporte cliniques, hôpitaux et cabinets de consultations. Ce réseau emploie plus de 17’000 professionnels et offre des soins de proximité intégrés à plus de 70 collectivités du Minnesota, du Wisconsin, de l’Iowa et de la Géorgie22.

Mais ce n’est pas tout.

En 2011, la Mayo Clinic a créé un réseau mondial nommé « Mayo Clinic Care Network » qu’elle a voulu ouvert aux fournisseurs de soins présentant une culture alignée sur la sienne. Aujourd’hui, plus de 35 membres font partie de ce réseau qui offre à ses membres un accès aux « outils » et ressources de la Mayo Clinic, tels que les protocoles de prise en charge des patients, les recommandations de traitement ou les discussions de situations médicales complexes avec les spécialistes de la Mayo Clinic. A travers ce réseau mondial qui va de Singapour à Mexico, c’est plus de 10 millions de patients et de soignants qui ont accès aux ressources de la Mayo Clinic.

Étonnamment, aucun fournisseur de soins européen n’en fait partie à ce jour… Mais la chose serait-elle possible ?

Les auteurs du présent article ont fait partie du groupe d’étudiants de l’executive MBA de la faculté des HEC de l’Université de Lausanne cité plus haut qui s’est intéressé de près au modèle de la Mayo Clinic. Plusieurs éléments de ce travail sont interpellant. Outre l’analyse du modèle, les auteurs se sont intéressés, par le biais d’un sondage et de plusieurs entretiens directs, à savoir si le modèle Mayo était susceptible de répondre à un besoin de la population et des soignants en Suisse. Le résultat de leur analyse démontre que les facteurs clef du succès de la Mayo Clinic répondraient, en Suisse, à 80-90% des attentes des patients et des soignants alors qu’actuellement, au sein d’un échantillon représentatif d’hôpitaux suisses, ces facteurs sont présents à hauteur de 50-60% seulement23.

Les médecins helvétiques interrogés ayant travaillé à la Mayo Clinic étaient unanimes quant à la valeur de ce modèle dans la vie réelle. Lors de leurs discussions avec les dirigeants hospitaliers, de membres de conseils d’administrations d’institutions suisses et de politiciens en charge du domaine de la santé en Suisse, les étudiants ont constaté qu’il existe de nombreux conflits d’intérêts (fruits entre autres de certaines contraintes et volontés de contrôle étatiques) rendant l’implantation du modèle Mayo Clinic pour le moins difficile (Swiss Mayo). Ces éléments ont amené les auteurs à conclure que la mise en place d’un modèle Mayo Clinic dans un système de santé comme celui de la Suisse serait clairement bénéfique, mais nécessiterait une révolution culturelle et politique des institutions (Swiss Mayo). Cependant, les auteurs ont également reconnu que des facteurs contextuels tels que la pénurie en personnel soignant, la complexité toujours croissante des systèmes de santé, les progrès technologiques et la diminution des ressources financières pourraient favoriser l’émergence d’un modèle de type Mayo Clinic.

Conclusions

L’étude du modèle Mayo Clinic ne démontre pas seulement qu’il est possible de résoudre de manière reproductible la problématique complexe visant à obtenir des soins de meilleure qualité à la satisfaction des patients et des soignants à un coût moindre.

Il permet beaucoup plus.

Il illustre à quel point l’alignement de toute organisation est crucial si elle désire atteindre ses objectifs.

Il décrit à quel point la cohérence entre les valeurs fondamentales de toute organisation et celles de ceux qui la composent permettent de dépasser les attentes24.

Mais il rappelle aussi que les contraintes étatiques ou politiques et les conflits d’intérêts des différents acteurs qui en résultent peuvent empêcher la mise en œuvre de solutions pérennes dans le domaine complexe qu’est celui de la santé.

Les auteurs

Stefano Benagli

Physicien EPFL, MBA HEC Lausanne en corporate finance

Laurent Seravalli

Docteur en médecine, MBA HEC Lausanne en healthcare management

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1 OECD Reviews of Health Systems – Switzerland. 2011.

2 P. Bessard et al. Au chevet du système de santé – De la dépendance à la prévoyance. Institut Libéral 2013.

3 US News. Best hospitals national rankings : health.usnews.com/best-hospitals/rankings ; Mayo Clinic “An inside look at Mayo Clinic”, 2015 (http://www.mayoclinic.org/).

4 L. Berry et al. Management Lessons from Mayo Clinic: Inside One of the World’s Most Admired Service Organizations; McGraw-Hill Education 2008; Mayo Clinic. Mayo Clinic values, mission and vision. www.mayoclinic.org/about-mayo-clinic/mission-values

5 Mayo Clinic. Mayo Clinic facts and statistics. www.mayoclinic.org/about-mayo-clinic/facts-statistics.

6 Mayo Clinic. Mayo Clinic governance and management structure. www.mayoclinic.org/documents/governance-management-structure-pdf/DOC-20079617.

7 Jay A. Lean Six Sigma for Hospitals: Simple Steps to Fast, Affordable, and Flawless Healthcare. McGraw-Hill Professional 2000.

8 Graban M Lean Hospitals: Improving Quality, Patient Safety, and Employee Engagement. Productivity Press 2011.

9 Berry L. et al. Build loyalty through experience management. Quality Progress. 2007;40:26-32.

10 Berry L. Building a strong services brand: Lessons from Mayo Clinic. Business Horizons. 2007;50: 199–209.

11 Epstein R. et al. Why The Nation Needs A Policy Push On Patient-Centered Health Care Health Affairs 2010; 29:1489-1495 content.healthaffairs.org/content/29/8/1489.full.pdf+html; McCarthy D. et al. Mayo Clinic. Multidisciplinary teamwork, physician-led governance and patient-centred culture drive world-class health care. Commonwealth Fund pub. 2009; 27:1-16.

12 London school of economics and McKinsey worldmanagementsurvey.org/wp-content/images/2010/10/Management_in_Healthcare_Report_2010.pdf; Goodall A. Physician-leaders and hospital performance: is there an association? Social Science & Medicine 2011; 73:535-9; Stoller J. et al. Why the best hospitals are managed by doctors. Harvard Business Review 2016. hbr.org/2016/12/why-the-best-hospitals-are-managed-by-doctors.html.

13 Al-Midani M. Employment of physician administrators (CEOs) in acute care hospitals and their impact on hospital performance. The University of Alabama. 2014;1-124.

14 Veronesi G et al. Clinicians on the board: What difference does it make? Social Science & Medicine. 2013;77: 147–55.

15 McCarthy D. et al. Mayo Clinic. Multidisciplinary teamwork, physician-led governance and patient-centred culture drive world-class health care. Commonwealth Fund pub. 2009; 27:1-16.

16 Wennberg E. Tracking the care of patients with severe chronic illness. Dartmouth Atlas of Health Care. 2008:1-170.

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19 E. Kollar et al. Ethics and policy of medical brain drain: a review. Swiss Med Wkly. 2013;143:w13485; Evans M. et al. Hiring in healthcare will improve, but boom will bypass hospitals. Mod Healthc. 2015;45:8-9.

20 Kotler P. et al. Strategic Marketing for Non-Profit Organizations. Pearson. 2014.

21 Keller K. Conceptualizing, measuring and managing customer-based brand equity. Journal of Marketing. 1993;57:1-22.

22 Mayo Clinic. Mayo Clinic health system. http://mayoclinichealthsystem.org/.

23 Swiss Mayo Clinic. Entrepreneurship project. EMBA 2014/15. HEC University of Lausanne.

24 Kofman F. Conscious Business: How to Build Value through Values. Sounds True Inc. 2013.

Liens : Mayo Clinic Health System – Institut Libéral